La fusion triangulaire peut être une étape centrale en vue de l’acquisition transfrontalière d’une société établie aux Etats-Unis. Au terme de cette opération de restructuration, les associés de la société-cible se voient remettre des actions ou parts de la société-mère de l’acquéreur.
Technique de rapprochement transfrontalier
À l’occasion de certaines opérations d’acquisition de sociétés soumises au droit d’un État américain, la pratique belge a été amenée à réaliser des opérations qualifiées de « fusions triangulaires » (« triangular mergers ») ou de « fusions triangulaires inversées » (« reverse triangular mergers ») :
Fusion triangulaire directe
Dans le cadre de l’opération qualifiée de « triangular merger », une société, filiale d’une autre, se voit transférer le patrimoine actif et passif d’une société-cible, étant entendu que les associés de cette société cible absorbée se voient remettre des actions ou parts, non de la société absorbante, mais de la société-mère de celle-ci.
Fusion triangulaire inversée
Dans le cadre d’une opération qualifiée de « reverse triangular merger », la société-cible absorbe une filiale de la société-mère du groupe acquéreur, étant entendu que les associés de cette société-cible apportent, à cette occasion, à la société-mère précitée leurs actions ou parts dans la société-cible, en échange d’actions ou parts de la société-mère. Ce système permet d’éviter une dissolution de la société-cible, avec les difficultés qui peuvent en résulter par exemple en termes de transfert de certains biens ou d’autorisations administratives.
Processus en droit des Etats américains
Dans le droit des États américains, cette opération repose sur la règle générale selon laquelle les associés d’une société absorbée peuvent se voir remettre, par l’effet de la fusion, une contrepartie autre que des actions ou parts de la société absorbante.
Les actions ou parts détenues dans la société absorbée sont en ce cas converties en un droit de recevoir non pas des actions ou parts de la société absorbante, mais bien les valeurs mobilières, les biens mobiliers ou les espèces visés par le projet de fusion.
Cette conversion ne s’opère en principe pas par l’effet de la loi, mais suppose d’organiser une procédure d’échange des actions ou parts contre le droit précité.
Droit belge
Un assouplissement de la définition de la fusion en droit belge permettrait de régir les opérations de fusion triangulaire, comme cela a dans une certaine mesure été fait en droit néerlandais.
Les opérations de fusion triangulaire impliquant une société soumise au droit d’un Etat américain sont toutefois réalisables par une société-mère de droit belge*.
Modalités pour la société-mère de droit belge
Ainsi, dans le cas où les sociétés absorbées et absorbantes sont soumises au droit d’un État américain et que seules des actions ou parts d’une société-mère de droit belge sont remises aux associés de la société absorbée, l’opération de fusion triangulaire directe se réalise comme suit :
- Une convention est en principe conclue entre la société-mère, sa filiale et la société cible, aux termes de laquelle la filiale et la société-cible s’engagent à fusionner ; les associés de la société-cible acceptent la fusion à condition de se voir remettre au terme de l’opération des actions ou parts de la société-mère, et la société-mère s’engage à émettre les actions ou parts requises pour réaliser l’opération.
- La fusion s’opère entre la filiale et la société-cible mais la société-mère n’y est pas partie (elle n’est pas une « constituent corporation »). Le patrimoine de la société-cible est transmis, activement et passivement, à la filiale et les associés de la société-cible se voient remettre des actions ou parts de la filiale.
- Pour la société-mère, l’opération prend la forme d’une simple augmentation de capital – le cas échéant dans le cadre du capital autorisé –, au terme de laquelle chaque associé de la société-cible apporte à la société-mère ses actions ou parts nouvelles de la filiale, la fusion sortant ensuite ses effets. Le déroulement des opérations doit être organisé en manière telle qu’un tel apport puisse porter sur les actions ou parts de la filiale.
La séquence d’une telle opération, de même que la rédaction adéquate de la convention de fusion et de l’acte d’apport, permettent d’éviter les contradictions entre les systèmes juridiques concernés.
* Pour plus de précisions : T. Tilquin et J.-A. Delcorde, « Les restructurations transfrontalières en droit belge », in Fusions transfrontalières de sociétés : droit luxembourgeois et droit comparé, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 212 et s.
Pour davantage d’informations, n’hésitez pas à contacter Thierry Tilquin, Julie-Anne Delcorde et Kevin Alfers